Михаил Бакунин

Автор: Герцен Александр Иванович

  

А. И. Герцен

  

Michel Bakounine

Михаил Бакунин (перевод)

  

   А. И. Герцен. Собрание сочинений в тридцати томах.

   Том седьмой. О развитии революционных идей в России. Произведения 1851-1852 годов

   М., Издательство Академии Наук СССР, 1956

   Дополнение:

   Том тридцатый. Книга вторая. Письма 1869—1870 годов. Дополнения к изданию.

   М., Издательство Академии Наук СССР, 1965

   OCR Бычков М. Н.

  

Michel Bakounine

  

Monsieur,

   Vous avez dêsirê connaître quelques dêtails biographiques sur Bakounine. Je suis profondêment sensible à l’honneur que vous me faites en vous adressant à moi et en me donnant l’occasion de parler de cet homme hêroïque avec lequel j’ai êtê très liê.

   Puissent ces notes, êcrites à la hâte, vous servir à lui faire une couronne de martyr; il est digne, Monsieur, d’en avoir une, tressêe par vos mains.

   Vous avez aussi exprimê le dêsir d’avoir son portrait; avec le temps je parviendrai peut-être à faire venir celui qui a êtê fait en Allemagne en 1843 et que j’ai vu en Russie. Il est assez ressemblant. En attendant, pour vous donner une idêe des traits de Bakounine, je vous recommande les vieux portraits de Spinoza, qu’on trouve dans quelques êditions allemandes de ses êcrits; il y a beaucoup de ressemblance entre ces deux têtes.

   Michel Bakounine est maintenant âgê de 37 à 38 ans.

   Il est nê d’une vieille famille aristocratique et dans une position êgalement êloignêe d’une grande richesse et d’une indigence gênante. C’est le milieu dans lequel il y a le plus de lumière et de mouvement en Russie. Pour vous donner, Monsieur, une idêe de ce qui s’agite et fermente au fond de ces familles, si tranquilles à la surface, il me suffira d’ênumêrer le sort des oncles de Bakounine, des Mouravioff, auxquels il ressemblait beaucoup par sa haute taille un peu voûtêe, par ses yeux bleu-clair, par son front large et carrê, et même par sa bouche assez grande.

   Une seule gênêration de la famille des Mouravioff donna trois individus magnifiques à l’insurrection du 14 dêcembre (deux êtaient parmi les membres les plus influents; l’un fut pendu par Nicolas, l’autre pêrit en Sibêrie), un bourreau aux Polonais, un procureur gênêral au Saint-Synode et, enfin, une êpouse à l’un des ministres de S. M.

   On peut se figurer l’harmonie et l’unitê qui rêgnent dans des familles composêes d’êlêments aussi hêtêrogènes.

   Michel Mouravioff, le gouverneur militaire de Vilna, aimait à rêpêter: «Je n’appartiens pas aux Mouravioff que l’on pend, mais à ceux qui font pendre».

   Bakounine a passê son enfance dans la maison paternelle, à Tver, et près de cette ville dans les possessions seigneuriales de son père. Celui-ci qui passait pour un homme d’esprit et même pour un vieux conspirateur du temps d’Alexandre, ne l’aimait pas trop et se dêbarrassa de lui, dès qu’il Га pu. 11 le plaèa dans une êcole d’artillerie à Pêtersbourg.

   Les êcoles militaires en Russie sont atroces, c’est là que l’on forme, sous les yeux mêmes de l’empereur, les officiers pour son armêe. C’est là qu’on «brise l’âme» aux enfants et qu’on les dresse à l’obêissance passive. L’esprit vigoureux et le corps robuste de Bakounine passèrent heureusement à travers cette rude êpreuve. Il finit ses êtudes et fut admis au service, comme officier d’artillerie. Son père voulant l’êloigner, fit, par l’intermêdiaire des gênêraux avec lesquels il êtait liê, passer son fils de Pêtersbourg dans un parc cantonnê dans le triste pays de la Russie Blanche.

   Le jeune homme dêpêrissait dans cette existence ennuyeuse; il devint triste, mêlancolique, au point que ses supêrieurs commenèaient à avoir des craintes sêrieuses sur l’êtat de sa santê, et grâce à cela, on ne s’opposa pas, lorsqu’une annêe plus tard il donna sa dêmission. Libre du service, contre le dêsir de son père, sans liaisons, sans appui, sans argent, il vint à Moscou. C’êtait en 1836. Il êtait comme perdu dans cette ville qui lui êtait inconnue; il cherchait à donner des leèons de mathêmatiques, seule science qu’il connaissait un peu, et n’en trouvait pas. Heureusement, quelque temps après, on le prêsenta à une dame que toute la jeunesse littêraire d’alors aimait et estimait beaucoup, à Mme G. Lêvachoff (on peut bien nommer cette sainte femme; il y a plus de dix ans qu’elle n’existe plus). C’êtait une de ces existences pures, dêvouêes, pleines de sympathies êlevêes et de chaleur d’âme, qui font rayonner autour d’elles l’amour et l’amitiê, qui rêchauffent et consolent tout ce qui s’approche d’elles. Dans les salons de Mme Lêvachoff on rencontrait les hommes les plus êminents de la Russie, Pouchkine, Michel Orloff (non le ministre de la police, mais son frère, le conspirateur), enfin, Tchaadaïeff, son ami le plus intime et qui lui a adressê ses cêlèbres lettres sur la Russie.

   Mme Lêvachoff devina par cette intuition sagace, particulière aux femmes douêes d’un grand cœur, la forte trempe du caractère et les facultês extraordinaires de l’ex-artilleur. Elle l’introduisit dans le cercle de ses amis. C’est alors qu’il rencontra Stankêvitch et Bêlinnski, avec lesquels il se lia intimement.

   Stankêvitch {J’ai parlê de ce jeune homme remarquable, mort en Italie.dans ma brochure: Sur les idêes rêvolutionnaires en Russie, pages 130—31.} le poussa à l’êtude de la philosophie. La rapiditê avec laquelle Bakounine, qui ne connaissait alors que très peu la langue allemande, s’assimilait les idêes de Kant et de Hegel et se rendait maître et de la mêthode dialectique, et du contenu spêculatif de leurs êcrits, a êtê êtonnante. Deux annêes après son arrivêe à Moscou, ses amis êtaient tellement devancês par lui, qu’ils s’adressaient ordinairement à lui, lorsqu’ils trouvaient quelques difficultês. Bakounine avait un don magnifique pour dêvelopper les thèses les plus abstraites, avec une luciditê qui les mettait à la portêe de chacun et sans rien perdre de leur profondeur idêaliste. C’est prêcisêment le rôle que je prêtends être celui qui est dêvolu au gênie slave par rapport à la philosophie; nous avons de grandes sympathies pour la spêculation allemande, mais nous aspirons encore plus vers la clartê franèaise.

   Bakounine pouvait parler des heures entières, disputer depuis le soir jusqu’au matin sans se fatiguer, sans perdre ni le fil dialectique de l’entretien, ni l’ardeur de la persuasion. Et il êtait toujours prêt à commenter, êclaircir, rêpêter, sans le moindre dogmatisme. Cet homme êtait nê missionnaire, propagandiste, prêtre. L’indêpendance, l’autonomie de la raison, telle êtait sa bannière alors, et, pour êmanciper la pensêe, il faisait la guerre à la religion, la guerre à toutes les autoritês. Et comme chez lui l’ardeur de la propagande s’alliait à un très grand courage personnel, on pouvait dès lors prêvoir que, dans une êpoque telle que la nôtre, il deviendrait un rêvolutionnaire fougueux, ardent, hêroïque. Toute son existence n’êtait qu’une œuvre de propagande. Moine de l’êglise militante de la rêvolution, il allait par le monde prêchant la nêgation du christianisme, l’approche du dernier jugement de ce monde fêodal et bourgeois, prêchant le socialisme à tous et la rêconciliation aux Russes et aux Polonais. Il n’avait pas d’autre vocation dans sa vie, ni d’autre intêrêt; il êtait complètement indiffêrent aux conditions extêrieures de son existence.

   Quittant sa patrie, Bakounine ne s’est jamais souciê de ce qu’il abandonnait son hêritage. Il n’a jamais pensê comment il ferait pour dîner le lendemain. Avait-il un peu d’argent — il le dêpensait, sans compter, follement; il le donnait à d’autres. N’en avait-il pas? Gela n’abattait pas son courage, il en riait avec ses amis, il savait rêduire sa vie à presque rien, il se refusait tout, et non seulement il ne s’en plaignait pas beaucoup, mais en effet il souffrait moins que les autres, il acceptait le manque d’argent, comme une maladie.

   Il êtait jeune, beau, il aimait faire des prosêlytes parmi les femmes, beaucoup êtaient enthousiasmêes de lui, et pourtant aucune femme n’a jouê un grand rôle dans la vie de cet ascète rêvolutionnaire; son amour, sa passion êtaient aillieurs.

   J’ai fait la connaissance de Bakounine en 1839. Je revenais alors à Moscou d’un premier exil et commenèais à travailler dans des êcrits pêriodiques, dirigês par Bêlinnski, ami intime de Bakounine. Nous passâmes ensemble une annêe. Bakounine me poussait de plus en plus dans l’êtude de Hegel, je tâchais d’importer plus d’êlêments rêvolutionnaires dans sa science austère.

   L’automne de 1840 Bakounine quitta la Russie; il se rendit à Berlin pour terminer ses êtudes. Seul de ses amis, j’allais le reconduire jusqu’à Cronstadt. A peine le bateau à vapeur fut-il sorti de la Neva, qu’un de ces ouragans baltiques, accompagnês de torrents d’une pluie froide, se dêchaîna contre nous. Force fut au capitaine de retourner. Ce retour fit une impression extrêmement pênible sur nous deux. Bakounine regardait tristement comment le rivage de Pêtersbourg, qu’il pensait avoir quittê pour des annêes, s’approchait de nouveau avec ses quais parsemês de sinistres figures de soldats, de douaniers, d’officiers de police et de mouchards, grelottant sous leurs parapluies usês.

   Etait-ce un signe, un avis providentiel?.. Une circonstance semblable retint Cromwell, lorsqu’il voulait s’embarquer pour l’Amêrique. Mais Cromwell quittait l’Old England et il êtait au fond enchantê d’avoir trouvê un prêtexte pour y rester. Bakounine quittait la nouvelle citê des tzars. Ah! Monsieur, il faut voir l’enthousiasme sans bornes, la joie, les larmes aux yeux, chaque fois qu’un Russe passe la frontière de sa patrie et pense qu’il se trouve maintenant hors du pouvoir de son tzar!

   Je montrai à Bakounine l’aspect lugubre de Pêtersbourg et je lui citai ces vers magnifiques de Pouchkine, où il jette les mots comme des pierres, sans les lier entre eux, en parlant de Pêtersbourg: «Citê splendide, citê pauvre, air de contrainte, aspect rêgulier, la voûte des cieux grisâtre et verte… Ennui, bise et granit». Bakounine ne voulut pas descendre sur le rivage, il prêfêra attendre dans la cabine du bateau l’heure du dêpart. Je le quittai et me rappelle encore sa haute et grande figure, enveloppêe dans un manteau noir et battue par une pluie inexorable, comme il se tenait sur le devant du bateau et me saluait pour la dernière fois avec son chapeau, lorsque je m’enfonèais dans une rue de traverse…

   Bakounine êtonna d’abord par sa fougue, par ses talents et par la hardiesse des consêquences qu’il osait accepter, les professeurs de Berlin; mais bientôt il s’ennuya et rompit avec le quiêtisme de la science allemande. Bakounine ne voyait d’autre moyen de rêsoudre l’antinomie entre la pensêe et le fait, que la lutte, et il devint de plus en plus rêvolutionnaire. Il fut au nombre des jeunes littêrateurs qui protestèrent dans les Annales de Halle, dirigêes par Arnold Rüge, contre la manière stêrile, aristocratique et inhumaine des professeurs allemands de comprendre la science, contre leur fuite dans les sphères de l’absolu, contre leur abstention sans cœur qui ne voulait participer en rien aux peines et aux fatigues de l’homme contemporain.

   Les articles de Bakounine, êcrits avec beaucoup de verve et de hardiesse, êtaient signês Jules Elysard. Au reste il êcrivait très peu et travaillait difficilement quand il fallait recourir à la plume.

   En 1843 Bakounine, poursuivi par les rêactionnaires suisses, fut dênoncê par l’un d’eux, Bliintchli, et reèut aussitôt la sommation de rentrer en Russie. Bliintchli, journaliste et membre du gouvernement à ?urich, lors de l’affaire du communiste Weitling, compromit une quantitê de personnes. Ayant entre ses mains les dossiers de Weitling et de ses amis, il fit une brochure, où il rendit public tout ce qu’il devait garder secret^ comme magistrat. Il n’y avait aucune lettre adressêe à Bakounine ou adressêe par lui à Weitling, mais dans je ne sais quel billet Weitling parlait de Bakounine, socialiste russe. Cela a suffi à Bliintchli. Après cette dênonciation il êtait impossible de rentrer; Bakounine refusa par consêquent d’obtempêrer à l’ordre impêrial. Alors le tzar le fit juger par son Sênat; on le condamna à la perte de tous ses titres et à la dêportation perpêtuelle dès qu’il rentrerait «pour avoir dêsobêi aux ordres de S. M. et pour avoir tenu une conduite inconvenante à un officier russe». Bakounine remercia l’empereur par une lettre qu’il fit insêrer dans les journaux de Paris, où il vint se fixer, de lui avoir retirê ses titres de noblesse.

   Exilê une seconde fois après le dêpart de Bakounine, je n’ai trouvê les moyens et la possibilitê de quitter la Russie qu’au commencement de l’annêe 1847, et c’est alors que je l’ai revu à Paris. Il menait une vie retirêe, ne voyait que quelques amis russes et polonais; il frêquentait Proudhon et allait parfois chez Mme George Sand. Il êtait fatiguê, plus triste qu’en Russie, mais il êtait bien loin du dêsespoir; le temps êtait lourd en 1847.

   Expulsê de Paris après son discours à l’anniversaire de la rêvolution polonaise en 1847, il alla à Bruxelles. Le 24 fêvrier lui ouvrit les portes de la France, d’une grande carrière et de la prison êternelle. Bakounine rajeunit et se sentit pour la première fois dans la possibilitê de dêvelopper toutes ses forces et toute son activitê ênergique.

   Il quitta Paris au mois de mars 1848 pour porter ses conseils, sa parole aux Slaves autrichiens. Chemin faisant, il rencontra, dans la Forêt Noire, une commune de paysans en pleine insurrection, allant prendre le château. Bakounine se souvient de son êtat d’artilleur, leur enseigne les mouvements et les dispositions nêcessaires pour prendre le château, leur donne des instructions et remonte dans la voiture pour continuer sa route.

   Lorsque Bakounine vint à Prague, il y trouva le congrès slave dêjà rêuni. Prêsentê par un dêputê de la Galicie, il fut invitê à prendre part aux travaux de ce premier concile d’une nationalitê qui se rêveillait enfin, après des siècles de lêthargie. On y parlait toutes les langues slaves, il ne manquait qu’une seule, la langue russe. Personne au monde ne pouvait mieux reprêsenter l’idêe rêvolutionnaire de la petite minoritê de sa patrie que Bakounine, lui Russe, ami des Polonais, armê de tout ce que la science allemande pouvait donner, et socialiste, comme les hommes les plus avancês de la France. Bakounine, dès son apparition, acquit une influence immense et très populaire. Son extêrieur noble et tout à fait slave, son ênergie, son caractère ouvert, sa parole claire et profonde, rallièrent autour de lui les hommes effectivement rêvolutionnaires de la Bohème et les Slaves autrichiens.

   Vous connaissez, Monsieur, l’histoire de la rêvolution de Prague. C’est l’histoire typique de toutes les rêvolutions, êcloses à la suite du 24 fêvrier. Victoires faciles au commencement, les vainqueurs se sentant profondêment indignes d’être vainqueurs, une foi aveugle aux concessions hypocrites du pouvoir, discussions oiseuses et formalitês, perte de temps, prise d’armes inopportune et dêfaite complète.

   Windichgraetz êtait enchantê des barricades à Prague, tout comme Marrast et Cavaignac l’ont êtê le 22 juin 1848 à Paris. Il bombarda la ville pendant six jours. Dès le commencement du combat Bakounine descendit dans la rue, mais à la fin il n’y avait rien à faire. Windichgraetz devait êcraser par les canons et les masses. La population montrait des sympathies autrichiennes. Bakounine abandonna la ville, lorsque la dêfaite êtait consommêe et alla attendre de meilleurs jours à Dessau.

   Jamais dans aucun pays on n’a vu un spectacle plus ignoble, plus lâche, que celui que donnaient au peuple allemand leurs gouvernants en 1849. Louis-Napolêon, Pie IX sont des hêros de probitê, de franchise et de loyautê à côtê de ces misêrables Habsbourg et Hohenzollern avec leurs collègues de Saxe, Wurtemberg, Hesse, Bade, etc. Le spectacle de ces trahisons, de ces parjures, de petites cruautês à la fois sanguinaires et mesquines, qui indignèrent Paskêvitch en Hongrie, rendit furieux les derniers hommes libres en Allemagne, qui n’avaient pas flêchi devant la rêaction; on êtait plus qu’indignê: le cœur se remplissait d’un dêsir insurmontable de vengeance et de reprêsailles. Les monstruositês commises par les Prussiens dans le duchê de Bade, par exemple, êtaient telles, que j’ai entendu de braves bourgeois allemands, qui, leur vie entière, n’ont jamais osê penser à contester les droits des rois et des grands, me dire, pâles et tremblants de rage: «Ah! si un jour nous pouvions êtrangler de nos mains un officier prussien!» Le parti rêvolutionnaire, sous cette influence nerveuse et fêbrile, avec l’exaltation du dêsespoir et de l’offense, tenta un suprême effort à Dresde.

   Bakounine êtait là, triste, irritê; il n’en pouvait plus, comme le montrait une lettre qu’il adressa à un de ses amis de Köthen avant la rêvolution de Dresde. Dès que le mouvement se prononèa à Dresde, il apparut sur les barricades, on l’y connaissait «t on l’y aimait beaucoup.

   Un gouvernement provisoire fut constituê. Il vint lui offrir ses services. Plus ênergique que ses amis, sans être investi d’un commandement formel, il devint le chef militaire de la ville assiêgêe. C’est là qu’il manifesta non seulement un courage, mais aussi une prêsence d’esprit hêroïques, imperturbables.

   Lorsqu’il apprit que les soldats du roi n’êtaient pas bien dêcidês à massacrer leurs frères, qu’ils avaient des scrupules, qu’ils mênageaient même les êdifices, Bakounine proposa de mettre les chefs-d’œuvre de la galerie de Dresde sur, les murs et sur les barricades. Cela aurait effectivement arrêtê les assiêgeants. «Et s’ils tirent?» — rêpliquèrent les membres de la municipalitê. «Tant mieux, laissez-leur l’infamie de cette barbarie». La municipalitê esthêtique ne le voulut pas. C’est ainsi qu’une sêrie de mesures rêvolutionnaires et terroristes, proposêes par Bakounine, fut rejetêe.

   Quand il n’y eut plus rien à faire, Bakounine proposa d’incendier les maisons des aristocrates et de faire sauter en l’air l’Hôtel de Ville avec tous les membres du gouvernement, y compris lui-même. En disant cela, il tenait en main un pistolet armê.

   Vous connaissez le reste, Monsieur. Arrêtê quelques jours après la prise de Dresde, Bakounine fut jugê par une cour militaire et condamnê à mort avec ses deux braves collègues, Heubner et Reitchel. Lorsqu’on lut la sentence qui ne pouvait pas être exêcutêe, parce que la peine de mort, abolie par la diète de Francfort pour les dêlits politiques, n’avait pas encore êtê rêtablie, on trompa les condamnês en leur proposant de se pourvoir en grâce. Bakounine refusa et dit que la seule chose qu’il craignait, c’êtait de retomber dans les mains du gouvernement russe, mais, puisqu’on se proposait de le guillotiner, qu’il n’avait rien contre cela, bien qu’il eût aimê mieux être fusillê! L’avocat lui reprêsenta qu’un de ses collègues avait une femme et des enfants, et qu’il êtait fort probable qu’il consentirait à se pourvoir en grâce, mais qu’il renonèait, depuis qu’il connaissait le refus de Bakounine. «Dites-lui donc,— rêpliqua aussitôt Bakounine,— que je consens, que je signerai la pêtition». On n’insista pas davantage et l’on fit semblant que la commutation de la peine avait êtê un acte spontanê de la clêmence royale {J’ignorais ces faits lorsque j’êcrivais ma brochure Sur les idêe» rêvolutionnaires en Russie.}.

   C’est alors que le gouvernement autrichien demanda qu’on lui livre Bakounine. On l’envoya les fers aux pieds. On le fit juger, juger un homme condamnê à mort et puis à la dêtention perpêtuelle, pour des faits antêrieurs à sa condamnation!

   Lorsqu’on pressa à Dresde Bakounine de dire quelle avait êtê la cause de ce qu’il prit une part si active à la rêvolution allemande, il rêpondit: «Je continuais ici ce que j’ai fait toute ma vie; je servais ici la cause de la rêvolution slave». Il n’en fallait pas davantage pour commencer l’horrible torture qu’il a subie.

   Parmi les belles lois qui rêgissent l’Autriche, il y en a une qui permet au juge d’une cour martiale d’appliquer la bastonnade dans les cas où tous les juges ont la conviction que le prêvenu ne dit pas toute la vêritê. Ces ignobles barbares ont appliquê cette loi à Bakounine. 11 faut vous dire qu’il ne cachait absolument rien de ce qui le concernait personnellement, mais il ne voulait pas parler d’autrui. Après chaque sêance Bakounine subissait la schlague.

   Il ne lui manquait encore que la schlague morale. La Gazette d’Augsbourg, organe volontaire du cabinet de Vienne, insêrait des correspondances de Prague, dans lesquelles on disait que beaucoup de personnes êtaient arrêtêes par suite des rêvêlations graves faites par Bakounine. Cela me rappelle l’histoire qu’Andryane raconte dans ses Mêmoires d’un prisonnier d’Etat.

   Salvotti, l’inquisiteur impêrial de Milan, disait au comte Confalonieri: «Vous vous obstinez à ne rien dire, à jouer l’hêroïsme, c’est bien; mais demain je ferai insêrer dans les journaux que vous avez dênoncê vos amis, et vous n’aurez aucun moyen de donner un dêmenti». Ce noble Salvotti est maintenant membre du Conseil d’Etat à Vienne et s’occupe des affaires de l’Italie.

   C’est avec rêpugnance que je toucherai maintenant une rêminiscence douloureuse. Il y avait des Allemands, et malheureusement aussi des Polonais, qui rêpandirent le bruit infâme que Bakounine êtait un agent du gouvernement russe. Cette calomnie l’a poursuivi jusqu’à la prison, grâce à un folliculaire de la Gazette Rhênane. Ce dernier racontait que Mme G. Sand avait dit qu’elle tenait pour sûr de M. Ledru-Rollin, lorsqu’il êtait ministre de l’Intêrieur, que Bakounine êtait un employê de l’ambassade russe. Un des amis de Bakounine s’adressa directement à Mme Sand, qui donna le dêmenti le plus complet et êcrivit une lettre qu’on envoya immêdiatement à la rêdaction de journal de Marx. Mais ce n’est que lorsque les os du pauvre martyr craquèrent sous les instruments de torture, qu’on est revenu de cette infâme calomnie.

   Je ne sais comment cela se fait, mais dès qu’on voit un Russe rêvolutionnaire, on le prend pour un agent du tzar; tantôt on ne trouve pas comment concilier l’origine aristocratique avec les convictions d’un dêmocrate, tantôt on s’êtonne de ce que les hommes riches sont des socialistes. Notre habitude de jeter l’argent, notre radicalisme franc choquent le monde burgeois. J’ai entendu plus d’une fois l’observation suivante: «Gomment faisait Bakounine pour avoir de l’argent? Sa famille ne lui envoyait rien, et pourtant il en avait quelquefois, on a au moins le droit de soupèonner que cet argent lui venait du gouvernement russe».

   En terminant, je dois vous dire, Monsieur, que tous les dêtails sur Bakounine depuis 1848, je ne les connais que d’après les rêcits de quelques Allemands et d’après les journaux. La dernière lettre que j’ai vue de lui, êtait êcrite au commencement de 1850 du Hradschin (forteresse de Prague). Depuis son dêpart pour Olmütz, rien n’a transpirê. Un chambellan du roi de Prusse s’est vantê à une table d’hôte, à Genève qu’il êtait allê voir Bakounine à Olmütz (non par sympathie, mais comme une raretê); il disait qu’il l’a trouvê enchaînê à un mur, dans une petite cellule obscure, qu’il êtait faible, souffrant et que sa voix êtait êteinte.

   Bakounine a êtê transfêrê d’Olmütz dans une prison humide, en Hongrie, et de là, comme on nous êcrit, à Schlusselbourg. On dit qu’il y a êtê torturê.

Alexandre Herzen (Iskander)

  

   P. S.— Etant à Kœnigstein, Bakounine a publiê, en allemand, une petite brochure très ênergique sur la Russie sous le titre: Russische Zustände.

  

   <1851>

  

ПЕРЕВОД

МИХАИЛ БАКУНИН

  

Милостивый государь,

   Вы пожелали ознакомиться с некоторыми подробностями биографии Бакунина. Я глубоко тронут честью, какую вы мне оказываете, обращаясь ко мне и предоставляя мне возможность поговорить об этом герое, с которым я был очень близок.

   Пусть эти наспех сделанные заметки помогут вам создать ему мученический венец! — он достоин, милостивый государь, венца, сплетенного вашими руками *.

   Вы выразили также желание получить его портрет; со временем мне, быть может, удастся достать тот, который был сделан в Германии в 1843 году и который я видел в России. Он довольно похож. Пока же, чтобы дать вам хоть какое-нибудь представление о внешности Бакунина, рекомендую вам старые портреты Спинозы, которые можно найти в нескольких немецких изданиях его произведений; между обоими этими лицами большое сходство.

   Михаилу Бакунину теперь лет 37—38.

   Он родился в старинной аристократической семье и в состоянии, равно удаленном как от большого богатства, так и от стеснительной бедности. Это наиболее просвещенная и прогрессивная среда в России. Чтобы дать вам, милостивый государь, представление о том, что волнуется и бродит в недрах этих семей, столь безмятежных с виду, мне достаточно будет рассказать о судьбах дядей Бакунина, Муравьевых, на которых он сильно походил своей высокой сутуловатой фигурой, светлоголубыми глазами, широким и квадратным лбом. и даже довольно большим ртом.

   Одно только поколение из рода Муравьевых дало трех блестящих своих представителей восстанию 14 декабря (двое из них принадлежали к наиболее влиятельным его участникам; один был повешен Николаем, другой погиб в Сибири), палача — полякам, обер-прокурора — святейшему синоду и, наконец, супругу — одному из министров его величества*.

   Можно себе представить, какая гармония и какое единство царят в семействах, составленных из столь разнородных элементов.

   Михаил Муравьев, виленский генерал-губернатор, любил повторять: «Я не принадлежу к тем Муравьевым, которых вешают, а к тем, которые вешают».

   Детство Бакунин провел в родительском доме в Твери и невдалеке от этого города, в поместье своего отца. Последний, слывший за человека весьма умного и даже старого заговорщика времен Александра*, не особенно любил сына и отделался от него при первой же возможности. Он определил Бакунина в артиллерийское училище в Петербурге.

   Военные училища в России ужасны, именно там, на глазах у самого императора, выращивают офицеров для его армии. Именно там «сокрушают душу» детям и приучают их к беспрекословному повиновению. Мощный дух и могучее тело Бакунина счастливо прошли через это суровое испытание. Он закончил свое обучение и был зачислен на службу артиллерийским офицером. Желая удалить его, отец воспользовался содействием знакомых генералов и услал своего сына из Петербурга в артиллерийский парк, расположенный в унылой Белоруссии*.

   Молодой человек погибал там от скуки; он до такой степени загрустил и впал в меланхолию, что у начальников его появились серьезные опасения насчет его здоровья, и поэтому никто не возражал, когда год спустя он подал в отставку. Освободившись от службы против воли своего отца, без связей, без поддержки, без денег, он приехал в Москву. Это было в 1836 году. Бакунин был словно затерян в незнакомом ему городе; он искал уроков по математике — единственной науке, с которой был немножко знаком,— но не находил их. К счастью, несколько времени спустя, его представили одной даме, которую вся литературная молодежь того времени любила и глубоко уважала, — г-же Е. Левашовой (эту святую женщину можно смело назвать по имени; уже более десяти лет ее нет на свете). То было одно из тех чистых, самоотверженных, полных возвышенных стремлений и душевной теплоты существ, которые излучают вокруг себя любовь и дружбу, которые согревают и утешают все, что к ним приближается. В гостиных г-жи Левашовой можно было встретить самых выдающихся людей России — Пушкина, Михаила Орлова (не министра полиции*, а его брата, заговорщика), наконец, Чаадаева, ее самого задушевного друга, адресовавшего ей свои знаменитые письма о России*.

   Г-жа Левашова разгадала своей прозорливой интуицией, свойственной женщинам, наделенным великим сердцем, непоколебимый характер и необыкновенные способности бывшего артиллериста. Она ввела его в круг своих друзей*. Тогда-то он и встретил Станкевича и Белинского и тесно сблизился с ними.

   Станкевич {Я говорил об этом замечательном молодом человеке, умершем в Италии, в своей брошюре’ «О революционных идеях в России», страницы 130—131.} побудил его изучать философию. Быстрота, с которой Бакунин, тогда еще очень плохо знавший немецкий язык, усвоил идеи Канта и Гегеля и овладел как диалектическим методом, так и умозрительным содержанием их сочинений,— была поразительна*. Через два года после приезда в Москву он настолько опередил своих друзей, что они уже обыкновенно обращались к нему, когда встречались с какими-либо трудностями. Бакунин обладал великолепной способностью развивать самые абстрактные понятия с ясностью, делавшей их доступными каждому, причем они нисколько не теряли в своей идеалистической глубине. Именно эта роль предназначена, по моему мнению, славянскому гению в отношении философии; мы питаем глубокое сочувствие к немецкой умозрительности, но еще более влечет нас к себе французская ясность.

   Бакунин мог говорить целыми часами, спорить без устали с вечера до утра, не теряя ни диалектической нити разговора, ни страстной силы убеждения. И он всегда готов был разъяснять, объяснять, повторять, без малейшего догматизма. Этот человек рожден был миссионером, пропагандистом, священнослужителем. Независимость, автономия разума — вот что было тогда его знаменем, и для освобождения мысли он вел войну с религией, войну со всеми авторитетами. А так как в нем пыл пропаганды сочетался с огромным личным мужеством, то можно было уже тогда предвидеть, что в такую эпоху, как наша, он станет революционером, пылким, страстным, героическим. Вся жизнь его была посвящена одной лишь пропаганде. Монах воинствующей церкви революции, он бродил по свету, проповедуя отрицание христианства, приближение страшного суда над этим феодальным и буржуазным миром, проповедуя социализм всем и примирение — русским и полякам. Он не имел ни другого призвания в жизни, ни других интересов; к внешним условиям существования он был совершенно равнодушен. Он напоминает нам прозелитов первых веков христианства или, еще больше, тех неутомимо деятельных людей эпохи возрождения наук, которые, как Кардан, Бруно, Пьер Раме, переходили из страны в страну, распространяя свои идеи, поучая, убеждая, борясь с предрассудками, рискуя жизнью ради свободы слова,— этих всюду гонимых и преследуемых людей, которые после долгих лишений самоотверженной жизни не знали, где преклонить голову, если смерть не приходила им на помощь,— смерть на костре или в мрачной тюрьме.

   Покидая родину, Бакунин нисколько не был озабочен тем, что оставляет там свое наследственное имущество. Он никогда не задумывался над тем, удастся ли ему завтра пообедать. Когда у него случалось немного денег — он тратил их без счета, безрассудно; он раздавал их другим. Оставался он без денег — и это не лишало его бодрости, он смеялся над этим со своими друзьями, он умел сводить свои потребности чуть ли не к нулю, он отказывал себе во всем и не только почти не жаловался, но и в самом деле страдал менее, чем другие,— отсутствие денег он воспринимал как болезнь.

   Он был молод, красив, он любил создавать себе прозелитов среди женщин, многие были в восторге от него, и однако ни одна женщина не сыграла большой роли в жизни этого революционного аскета; его любовь, его страсть были устремлены к иному.

   Познакомился я с Бакуниным в 1839 году. Я возвратился тогда в Москву из первой ссылки и начинал работать в периодических изданиях, руководимых Белинским*, близким другом Бакунина. Мы провели вместе год. Бакунин все более и более побуждал меня к изучению Гегеля; я же пытался внести в его суровую науку побольше революционных элементов.

   Осенью 1840 года Бакунин покинул Россию; он поехал в Берлин для завершения своего образования. Из всех друзей Бакунина один лишь я отправился проводить его до Кронштадта. Едва только пароход вышел из устья Невы, как на нас обрушилась одна из обычных балтийских бурь, сопровождаемых потоками холодного дождя. Капитан был вынужден повернуть обратно. Это возвращение произвело fia нас обоих крайне удручающее впечатление. Бакунин с грустью смотрел на то, как петербургский берег, который он воображал себе уже докинутым на долгие годы, снова приближался со своими набережными, усеянными зловещими фигурами солдат, таможенных чиновников, полицейских офицеров и шпиков, дрожавших под своими потертыми зонтиками.

   Являлось ли это предзнаменованием, голосом провидения?.. Подобное же обстоятельство задержало Кромвеля, когда он готовился отплыть в Америку*. Но Кромвель покидал свою Old England {Старую Англию (англ.).— Ред.}, и в глубине души он был в восторге, что нашел предлог, чтобы там остаться. Бакунин же покидал новый город царей. Ах, милостивый государь, нужно видеть безграничный восторг, упоение, слезы на глазах каждый раз, когда русский переезжает границу своей родины и думает, что находится теперь вне власти своего царя!

   Я указал Бакунину на мрачный облик Петербурга и процитировал ему те великолепные стихи Пушкина, в которых он, говоря о Петербурге, бросает слова словно камни, не связывая их меж собой: «Город пышный, город бедный, дух неволи, стройный вид, свод небес зелено-бледный… Скука, холод и гранит»*. Бакунин не захотел сойти на берег, он предпочел дожидаться часа отъезда в каюте. Я расстался с ним, и до сих пор еще в моей памяти сохранилась его высокая и крупная фигура, закутанная в черный плащ и яростно поливаемая неумолимым дождем; помню, как он стоял на передней палубе парохода и в последний раз приветствовал меня, махая мне шляпой, когда я устремился на поперечную улицу…

   Бакунин вначале поразил берлинских профессоров своим воодушевлением, талантами и смелостью выводов, на которые решался; но вскоре он соскучился и порвал с квиетизмом немецкой науки. Бакунин не видел другого средства разрешить антиномию между мышлением и действительностью, кроме борьбы, и он все более и более становился революционером. Он принадлежал к числу тех молодых литераторов, которые протестовали в «Галльских летописях», руководимых Арнольдом Руге, против бесплодного, аристократического и бесчеловечного понимания науки немецкими профессорами, против их бегства в области абсолюта, против их бездушного воздержания, мешавшего им принимать какое-либо участие в горестях и трудах современного человечества

   Статьи Бакунина, написанные с огромным увлечением и смелостью, были подписаны Жюль Элизар*. Впрочем, он писал очень мало и работал с трудом, когда ему приходилось браться за перо.

   В 1843 году Бакунин, преследуемый швейцарскими реакционерами, был выдан одним из них, Блюнчли*, и тотчас же получил приказание возвратиться в Россию. Блюнчли, журналист и член цюрихского правительства, во время дела коммуниста Вейтлинга скомпрометировал множество людей. Имея в своих руках досье Вейтлинга и его друзей, он написал брошюру, в которой предал гласности то, что, как должностное лицо, должен был сохранять в тайне. Там не было ни одного письма к Бакунину или от него к Вейтлингу, но в какой-то записке Вейтлинг упоминал о русском социалисте Бакунине. Этого было достаточно для Блюнчли. После его доноса возвращение на родину стало невозможным; вследствие этого Бакунин отказался подчиниться императорскому приказу. Тогда царь подверг его суду своего сената; Бакунина приговорили к лишению всех прав состояния и к вечной ссылке, как только он возвратится, «за неповиновение приказу его величества и за поведение, не достойное русского офицера». Бакунин в письме, напечатанном несколькими газетами в Париже, куда он переселился, выразил благодарность императору за лишение его дворянского достоинства*.

   Вторично отправленный в ссылку после отъезда Бакунина, я только в начале 1847 года нашел средства и возможность покинуть Россию, и тогда-то я снова встретился с ним в Париже. Он жил уединенно, виделся только с несколькими русскими и польскими друзьями; он часто посещал Пруд она и иногда бывал у г-жи Жорж Санд. Он выглядел более усталым, более грустным, чем в России, но был далек от отчаяния; трудно жилось в 1847 году.

   Изгнанный из Парижа после речи, произнесенной им на праздновании годовщины польской революции в 1847 году*, он переехал в Брюссель. 24 февраля открыло для него двери Франции, широкого политического поприща и вечного заточения. Бакунин помолодел и в первый раз почувствовал возможность полностью проявить все свои силы и всю свою энергию.

   Он покинул Париж в марте 1848 года, чтобы помочь своим советом, словом австрийским славянам. По пути, в Шварцвальде*, он встретил восставшую крестьянскую общину, готовую взять приступом замок. Бакунин вспоминает о том, что он артиллерист, обучает крестьян маршу и диспозициям, необходимым для захвата замка, дает им указания и снова садится в повозку, чтобы продолжать свой путь.

   Когда Бакунин приехал в Прагу, он застал там уже славянский конгресс в полном сборе*. Представленный одним галицийским депутатом, он был приглашен принять участие в работе этого первого вселенского собора нации, которая, наконец, стала пробуждаться после многовекового летаргического сна. Там говорили на всех славянских языках, недоставало только одного — русского. Никто в мире не мог бы лучше представлять революционную идею небольшого меньшинства его родины, чем Бакунин,— русский, друг поляков, вооруженный всем, что могла только дать немецкая наука, и социалист, как наиболее передовые люди Франции. Бакунин с самого своего появления приобрел огромное влияние и популярность. Его благородная и чисто славянская наружность, энергия, открытый характер, ясность и глубина его слова сплотили вокруг него всех истинных революционеров Богемии п австрийских славян.

   Вам известна, милостивый государь, история пражской революции. Это типичная история всех революций, вспыхнувших после 24 февраля. Легкие победы вначале; победители, чувствующие, что они совершенно не достойны быть победителями; слепая вера в лицемерные уступки властей; пустые споры и формальности, трата времени, несвоевременное вооруженное восстание и полнейшее поражение.

   Виндишгрец был в восторге от баррикад в Праге, совсем как Марраст и Каваньяк 22 июня 1848 года в Париже. В течение шести дней он бомбардировал город. Едва лишь началось сражение, Бакунин вышел на-улицу, но под конец там уже нечего было делать. Виндишгрец не мог не подавить восстание пушками и численным превосходством. Население проявляло симпатию к австрийцам. Бакунин покинул город, когда поражение было уже несомненным, и отправился в Дессау — ожидать лучших дней.

   Никогда и ни в одной стране нельзя было видеть зрелища более гнусного, более низкого, чем то, которое явили немецкому народу его правители в 1849 году. Людовик-Наполеон, Пий IX — герои честности, чистосердечия и прямодушия рядом с этими презренными Габсбургами и Гогенцоллернами с их саксонскими, вюртембергскими, гессенскими, баденскими и прочими коллегами. Зрелище предательств, клятвопреступлений, мелких жестокостей, кровожадных и жалких одновременно, которые возмутили Паскевича в Венгрии, приводило в ярость последних свободных людей Германии, не склонившихся перед реакцией; все были более чем возмущены: сердца наполнялись непреодолимой жаждой мщения и возмездия. Чудовищные преступления, совершенные пруссаками в герцогстве Баденском, например, были таковы, что я слышал, как честные немецкие мещане, которые в течение всей своей жизни никогда не осмеливались даже и подумать о том, чтоб оспаривать права королей и вельмож, говорили мне, бледнея и дрожа от бешенства: «Ах, если б нам когда-нибудь удалось задушить собственными руками прусского офицера!» Революционная партия, под воздействием этого нервного и лихорадочного возбуждения, охваченная экзальтацией отчаяния и оскорбленных чувств, решилась на последнюю попытку в Дрездене.

   Бакунин находился там, грустный, раздраженный; он выбился из сил, как это видно из письма, адресованного им одному из его кетенских друзей, перед дрезденской революцией. Едва лишь революция разразилась в Дрездене, он появился на баррикадах; его уже там знали и горячо любили.

   Образовалось временное правительство. Бакунин предложил ему свои услуги. Обладая большей энергией, чем его друзья, не облеченный формальными полномочиями, он сделался военным вождем осаждаемого города. Он обнаружил при этом не только мужество, но и героическое, невозмутимое присутствие духа.

   Узнав, что королевские солдаты еще не решились на избиение своих братьев, что в них не умолкла еще совесть, что они щадят даже здания, Бакунин предложил развесить лучшие произведения Дрезденской галереи на стенах и баррикадах. Это могло бы действительно остановить осаждающих. «А если они будут стрелять?» — возразили члены муниципалитета.— «Тем лучше, пусть на них падет позор этого варварства». Эстетичный муниципалитет не согласился. И таким же образом целый ряд революционных и террористических мер, предложенных Бакуниным, был отклонен.

   Когда уже больше ничего не оставалось делать, Бакунин предложил поджечь дома аристократов и взорвать ратушу вместе со всеми членами правительства, не исключая и его самого. Говоря это, он держал в руке заряженный пистолет. Остальное вам известно, милостивый государь. Арестованный через несколько дней после взятия Дрездена, Бакунин был подвергнут военному суду и приговорен к смертной казни вместе с двумя своими храбрыми сотоварищами, Гюбнером и Реккелем. По оглашении приговора, который не мог быть приведен в исполнение, ибо смертная казнь за политические преступления, уничтоженная франкфуртской диетой*, еще не была восстановлена, приговоренных обманули, предложив им обратиться с просьбой о помиловании. Бакунин отказался и заявил, что единственное, чего он боится,— это снова попасть в руки русского правительства, но поскольку его собираются гильотинировать, он ничего против не имеет, хотя предпочел бы лучше быть расстрелянным! Адвокат сообщил ему, что у одного из его сотоварищей остаются жена и дети и что тот, возможно, согласился бы подать просьбу о помиловании, но не решается, узнав об отказе Бакунина. «Скажите же ему,— тотчас отвечал Бакунин,— что я согласен, что я подпишу петицию». Но на этом уже более не настаивали и сделали вид, что смягчение наказания явилось добровольным актом королевского милосердия {Я не знал этих фактов, когда писал свою брошюру «О революционных идеях в России».}.

   И тогда австрийское правительство потребовало, чтобы ему выдали Бакунина. Он был отправлен в Австрию с оковами, на ногах. Его подвергли суду — подвергли суду человека, приговоренного к смерти и вслед за тем к вечному заточению,— за поступки, совершенные до его осуждения!

   Когда в Дрездене у Бакунина вымогали ответ — какова причина его столь деятельного участия в германской революции, он отвечал: «Я продолжал здесь делать то, что делал всю свою жизнь: я служил здесь славянской революции». И этого было достаточно для начала ужаснейшей пытки, которую он претерпел.

   Среди милых законов, управляющих Австрией, есть один закон, который дозволяет судье военного трибунала применять битье палками в случаях, когда все судьи убеждены в том, что подсудимый говорит не всю правду. И гнусные варвары применили этот закон к Бакунину. Должно сказать вам, что он не скрывал ничего касавшегося его лично, но не желал говорить о других. После каждого судебного заседания Бакунина подвергали экзекуции.

   Ему не хватало лишь нравственной экзекуции. «Аугсбургская газета», орган, добровольно поддерживающий венский кабинет, поместила корреспонденции из Праги, в которых говорилось, что множество людей подверглось аресту вследствие важных разоблачений, сделанных Бакуниным. Это мне напоминает историю, которую Андриане рассказывает в своих «Записках государственного преступника».

   Сальвотти, имперский инквизитор в Милане, сказал графу Конфалоньери: «Вы упорствуете в молчании, в игре в героизм,— прекрасно, но завтра же я прикажу напечатать в газетах, что вы донесли на своих друзей,— и вы не найдете никакого средства опровергнуть это». Благородный этот Сальвотти теперь член государственного совета в Вене и занимается итальянскими делами.

   С отвращением коснусь я теперь одного мучительного воспоминания. Нашлись немцы и, к несчастью, также и поляки, которые распространили гнусный слух, будто Бакунин был агентом русского правительства*. Клевета эта преследовала его до самой тюрьмы, благодаря одному пасквилянту из «Рейнской газеты». Этот субъект рассказывал, что г-жа Ж. Санд передавала как несомненный факт, сообщенный ей Ледрю-Ролленом, когда он был министром внутренних дел, будто Бакунин состоял на службе у русского посольства. Один из друзей Бакунина обратился непосредственно к г-же Санд, которая полностью опровергла этот слух и написала письмо, немедленно отправленное в редакцию газеты Маркса. Но эта отвратительная клевета была отброшена лишь тогда, когда кости несчастного мученика затрещали под орудиями пытки.

   Не знаю, как это получается, но всякий раз, когда видят русского революционера, его принимают за царского агента; одни не знают, как примирить аристократическое происхождение с убеждениями демократа, другие удивляются тому, что богатые люди могут быть социалистами. Наша привычка сорить деньгами, наш откровенный радикализм шокируют буржуазный мир. Я слышал неоднократно следующее замечание: «Где же доставал Бакунин деньги? Семья его ничего ему не присылала, и однако он бывал иногда при деньгах; по крайней мере мы имеем право подозревать, что эти деньги он получал от русского правительства».

   В заключение должен сказать вам, милостивый государь, что все подробности биографии Бакунина, начиная с 1848 года, я знаю только по рассказам нескольких немцев и по газетам. Последнее виденное мною письмо от него было написано в начале 1850 года в Градчине (крепость в Праге). Со времени его отправления в Ольмюц ничто не могло просочиться. Один из камергеров прусского короля хвалился как-то за табльдотом, в Женеве, что он пошел посмотреть на Бакунина в Ольмюце {не из сочувствия, а как на достопримечательность); он говорил, что нашел его прикованным к стене, в маленькой темной камере, что Бакунин был слаб, болен и что голос его казался угасшим. Из Ольмюца Бакунин был перевезен в сырую тюрьму в Венгрии и оттуда, как нам пишут, в Шлиссельбург. Говорят, что там его подвергли пытке.

Александр Герцен (Искандер).

  

   P. S. Находясь в Кенигштейне, Бакунин выпустил в свет на немецком языке маленькую, очень энергичную брошюру о России под названием «Russische Zustände».

  

   <1851>

  

КОММЕНТАРИИ

  

   Седьмой том сочинений А. И. Герцена содержит произведения 1850—1852 годов.

   Помещенные в томе статьи появились впервые на иностранных языках и были обращены в первую очередь к западноевропейскому читателю, давая ему глубокую и правдивую информацию о России, русском народе, освободительном движении и культуре.

   Такие работы, как «Du dêveloppement des idêes rêvolutionnaires en Russie» («О развитии революционных идей в России») и «Le peuple russe et le socialisme» («Русский народ и социализм»), содержат проницательное и оригинальное исследование русской истории, жизни и культуры, положившее, в частности, начало истории русского революционного движения и общественной мысли.

   В томе помещены также статья «Michel Bakounine» («Михаил Бакунин») и два открытых письма Герцена, относящихся к пережитой им в эти годы семейной драме.

   Из художественных произведений Герцена в том входит повесть «Поврежденный».

   В отличие от собрания сочинений под ред. М. К. Лемке в настоящий том не включена статья «Петрашевский»: ее автором является В. А. Энгельсон, что доказывается письмами последнего, копии которых хранятся в рукописном отделе Института русской литературы (Пушкинский дом) (см. В. Р. Лейкина-Свирская. «Революционная практика петрашевцев», «Исторические записки», No 47, стр. 187).

   Из произведений 1851 г. остается неизвестной та «неудавшаяся и неоконченная статейка», о которой Герцен упомянул в письме к московским друзьям от 19 июня 1851 г. (ср. в настоящем томе комментарий к «Dêdicace» («Посвящению»).

   В комментариях к тому приняты условные сокращения:

  

   ЦГАЛИ — Центральный государственный архив литературы и искусства. Москва.

   Л (в сопровождении римской цифры, обозначающей номер тома) — А. И. Герцен. Полное собрание сочинений и писем под редакцией М. К. Лемке. П., 1919—1925, тт. I—XXII.

   ЛН — сборники «Литературное наследство».

  

MICHEL BAKOUNINE

<МИХАИЛ БАКУНИН>

  

   Впервые опубликовано Г. Моно, повидимому, по автографу, в парижском журнале «Revue Bleue», No 16 от 17 октября 1908 г. При этом в публикации Моно были сделаны две купюры: изъято начало (обращение и первые три абзаца), придававшее статье вид письма, и строки: «Он напоминает ~ как в мрачной тюрьме» (стр. 354). В русском переводе, сделанном с автографа и напечатанном годом ранее («Былое», 1907, июль), статья представлена в полном виде. М. К. Лемке, напечатавший французский текст по «Revue Bleue», но получивший в свое распоряжение также автограф начала статьи, восстановил по нему (в приложении) первые абзацы. При жизни Герцена не печаталось. Местонахождение автографа в настоящее время неизвестно. В ЦГАЛИ хранится рукописная копия начала XX века, служившая наборным оригиналом при публикации в «Revue Bleue». Разночтений с текстом «Revue Bleue» в ней нет. Статья печатается по тексту журнала «Revue Bleue». Первые четыре абзаца воспроизводятся по ЛVI, стр. 694. Вторая купюра, таким образом, остается невосполненной и во французском тексте настоящего издания; в русском же тексте изъятые Г. Моно строки («Он напоминает ~ в мрачной тюрьме») приводятся по «Былому».

   7 ноября 1851 г., посылая Мишле, по его просьбе, рукопись статьи о Бакунине для напечатания в парижской прессе, Герцен писал: «Здесь критикуют мой французский слог. Сознаюсь в своем неведении. Один из моих польских друзей, г. Хоецкий, был так добр, что исправил мою рукопись; тем не менее в ней есть ошибки; остается только просить вас о снисхождении. Когда я пишу по-русски, я совершенно свободен, я чувствую себя в своей стихии, даю себе волю, не думая о расположении слов».

   Шарль-Эдмон Хоецкий (литературный псевдоним его, под которым он получил некоторую известность в парижской журналистике,— Шарль-Эдмон) оказывал Герцену помощь также в редактировании других французских сочинений и переводов.

   Статья «Михаил Бакунин» принадлежит к числу тех произведений Герцена первой половины 1850-х годов, в которых он ставил себе задачу ознакомить передовых людей Запада с русским революционным движением, русской культурой. Герцен первоначально рассчитывал, что статья будет использована Мишле в его «Легендах демократии». Эта точка зрения Герцена на посланную им Мишле заметку о Бакунине и другие материалы особенно отчетливо выражена в письме от 21 ноября 1851 г., которое Э. Гауг написал Мишле по поручению Герцена (см. «La Revue», 1907, No 10).

   Заключительные строки герценовского «Письма» к Мишле «Русский народ и социализм» (об отношениях Герцена с Мишле в начале 1850-х годов см. в комментарии к этому произведению) были посвящены Бакунину, которого в мае 1851 г. австрийское правительство выдало царским властям. Статья «Русский народ и социализм» датирована 22 сентября 1851 г., а 7 ноября 1851 г. Герцен послал Мишле статью «Михаил Бакунин». В письме к Мишле от того же числа Герцен писал: «…Нам, русским, не остается ничего другого, как служить примером, подобно Пестелю, Муравьеву, Бакунину. Вот биографические сведения о нашем несчастном друге».

   В период работы над «Легендами демократии» Мишле особенно заинтересовался судьбой Бакунина. В XV главе «Польши и России» он назвал Бакунина «славным мучеником, погребенным ныне, со скованными ногами, в русской тюрьме».

   В письмах к Герцену за октябрь 1851 г. Мишле несколько раз возвращался к Бакунину в связи с распространившимися тогда слухами о смерти последнего. «Меня связывает с вами,— писал Мишле в начале октября,— и общность убеждений, и общность друзей, память Бакунина и всех великих патриотов, русских и польских, нашего времени <...> Верна ли новость о смерти Бакунина?» В письме от 21 октября Мишле просил Герцена прислать биографические сведения о Бакунине, которые он собирался использовать в отдельном издании своих «Легенд демократии». На эту просьбу Мишле Герцен и ответил статьей «Михаил Бакунин».

   11 ноября 1851 г. Герцен сообщает М. К. Рейхель: «А я уже с тех пор еще статейку махнул о Бакунине. Мишле ее пришлет и напечатает. Да, хотел бы он портрет <БакунинаЮ, помните, что у Боткина был,-- как бы, где бы?". 15 ноября 1851 г. Герцен писал Мишле: "Милостивый государь, прошу вас располагать моей небольшой заметкой о Бакунине по вашему усмотрению. Ее целью было облегчить вашу работу о нем; вы нашли ее приемлемой,-- это все, чего я желал <...> Печатая заметку, следовало бы указать, что она недостаточна; я здесь совершенно лишен возможности навести точные справки (после взятия Праги он жил не в Кеттене, как сказано у меня, а в Дессау!). В немецких газетах появляются известия о смерти Бакунина «от водянки». Так ли это? Бедный Бакунин! Посылаю вам, милостивый государь, небольшой эскиз, который моя жена набросала по памяти, он довольно похож». Мишле откликнулся на присланную ему статью о Бакунине еще раньше, 11 ноября: «Только что с радостью получил вашу прекрасную заметку, полную душевной теплоты и благородства, как все, что вы пишете <...> Я извлеку большую пользу из этого прекрасного письма для тех немногих слов, которые я говорю о Бакунине в конце моих «Мучеников», экземпляр коих вы скоро получите. Но необходимо, чтобы оно, кроме того, было напечатано целиком в газетах с добавлением нескольких слов в начале и в конце».

   В письме от 20 ноября Мишле возвращается к вопросу о возможности напечатать статью «Михаил Бакунин» в одной из передовых французских газет. Об этом же Мишле писал Герцену осенью 1852 г.: «Я на днях напечатаю ваши заметки о нашем Бакунине, которые изложу по-своему, а также заметки о Петрашевском. Если опубликование этих сведений ныне неудобно, то, пожалуйста, безотлагательно известите меня, и я приостановлю все; если же долго не будете отвечать, я приму ваше молчание за полномочие». 9 ноября 1853 г. Герцен отвечает Мишле: «Располагайте как вам угодно заметкой о Бакунине <...> Где же это будет напечатано? Напишите мне, сделайте милость». Однако статья о Бакунине так и не была напечатана. 23 января 1855 г. Мишле сообщает Герцену: «Хотел поместить статью о нашем Бакунине в журнале, но мне сделали жалкое возражение: «Редакция хочет, чтобы журнал мог распространяться в России. Надо подождать»».

   Для того чтобы понять то освещение, которое получила личность Бакунина как в данной статье, так и в последующих выступлениях Герцена, следует иметь в виду, что он не знал о поведении Бакунина в крепости. Впоследствии, в письме к Герцену из Иркутска от 8 декабря 1860 г., Бакунин рассказал об «Исповеди», с которой он в 1851 г. обратился к Николаю I, но рассказал, о многом умалчивая (см. «Письма М. А. Бакунина к А. И. Герцену и Н. П. Огареву», СПб., 1906, стр. 184—185). В этой «Исповеди» недостойное революционера покаяние перед царем (покаяние, впрочем, несомненно притворное) сочеталось с фантастической надеждой увидеть последнего в роли вождя и защитника славянских народов от притеснителей «немцев», т. е. прежде всего от австрийской монархии, верным союзником которой Николай был на деле. Следует все же отметить, что в «Исповеди» Бакунин никого не предал; он отказался сообщить царю имена русских и польских революционеров.

   В статье, задуманной как апология Бакунина, томившегося в царской тюрьме, Герцен счел возможным лишь в самой осторожной форме коснуться своих идейных расхождений с Бакуниным в конце 30-х — начале 40-х годов. Бакунин в этот период, безоговорочно принимая философию Гегеля, делал из нее реакционные выводы: он проповедовал примирение с действительностью. Эти острые расхождения отразились во фразе Герцена: «…Я старался внести больше революционного элемента в его строгую научность».

   К биографии Бакунина Герцен возвращался несколько раз. Очерком деятельности Бакунина заканчивалось «Послесловие» к книге «О развитии революционных идей в России» в редакции 1851 г. Краткую биографию Бакунина Герцен впоследствии снова набросал в заметке 1862 г. «М. А. Бакунин», помещенной в «Колоколе» после появления Бакунина в Лондоне, и в «Былом и думах», отчасти в гл. XXV и подробнее в главе «М. Бакунин и польское дело». Многое в этих позднейших биографических сведениях о Бакунине совпадает с данными статьи «Михаил Бакунин».

   В статье «Михаил Бакунин» Герцен допустил некоторые фактические неточности. В приведенном выше письме к Мишле от 15 ноября 1851 г. Герцен сам указал на то, что был лишен возможности навести точные справки.

  

——

  

   Стр. 351. ...он достоин ~ венца, сплетенного вашими руками. — Герцен имеет в виду неосуществившееся намерение Мишле включить Бакунина в число героев своих «Легенд демократии» (см. выше).

   Стр. 352. Одно только поколение из рода Муравьевых супругу одному из министров его величества.— Муравьевы, о которых идет речь, приходились троюродными и двоюродными братьями матери М. Бакунина, Варваре Александровне Бакуниной, рожденной Муравьевой. Повешен Николаем — Сергей Муравьев-Апостол; погиб в Сибири — Никита Муравьев; третий декабрист — вероятно, Матвей Муравьев-Апостол, так как Артамон Муравьев также умер в Сибири, в 1846 г.; обер-прокурор синода — писатель Андрей Муравьев, которого Николай I назначил «состоять в синоде за обер-прокурорским столом»; палач поляков — его брат Михаил, впоследствии прозванный «Вешателем»; супруга министра — Екатерина Захаровна (сестра декабриста Артамона Муравьева), жена министра финансов графа Канкрина.

   …слывший за ~ старого заговорщика времен Александра…— Существуют указания на то, что отец Михаила Бакунина А. М. Бакунин принимал деятельное участие в составлении устава Союза благоденствия, идейно примыкая при этом к самому правому его крылу (см. об этом в книге: Д. Кропотов. Жизнь гр. M. H. Муравьева, СПб., 1874, стр. 207—211).

   Желая удалить его, отец воспользовался содействием знакомых генералов со унылой Белоруссии.— Утверждение Герцена, что А. М. Бакунин не любил своего старшего сына и содействовал его удалению в глухую провинцию, не подтверждается материалами семейного архива Бакуниных (см. А. А. Корнилов. Молодые годы Михаила Бакунина, М., 1915 и «Годы странствий Михаила Бакунина», Л.—М., 1925). Бакунин был отчислен из Артиллерийского училища до окончания офицерских классов и переведен в армию за смелый ответ на грубое замечание начальника училища Сухозанета.

   Стр. 353….не министра полиции…— После смерти Бенкендорфа, в 1844 г., шефом жандармов был назначен Алексей Федорович Орлов, брат декабриста.

   …адресовавшего ей свои знаменитые письма о России.— «Философические письма» Чаадаева адресованы не Е. Г. Левашовой, а Е. Д. Пановой.

   Она ввела его в круг своих друзей.— Со Станкевичем и его друзьями Бакунин познакомился не через Е. Г. Левашову в 1836 г., а через семейство Бееров, родственников Бакуниных, еще в 1835 г. (см. А. А. Корнилов. Молодые годы Михаила Бакунина, стр. 90, 129).

   Станкевич побудил его изучать философию. Быстрота, с которой Бакунин со усвоил идеи Канта и Гегеля ~ была поразительна. — В гл. XXV «Былого и дум» Герцен писал: «Станкевич понял его таланты и засадил его за философию. Бакунин по Канту и Фихте выучился по-немецки и потом принялся за Гегеля <...>«. В «Былом и думах» Герцен, таким образом, точнее приурочил знакомство Бакунина с Гегелем к более позднему периоду (это относится и к другим участникам кружка Станкевича). Из письма Станкевича к Я. М. Неверову явствует, что сам он только в 1835 г., одновременно с Бакуниным, приступил к изучению Канта («Переписка Н. В. Станкевича», М., 1914, стр. 337—338).

   Стр. 355. ...начинал работать в периодических изданиях, руководимых Белинским…— Герцен имеет в виду «Отечественные записки», где он начал печататься с 1840 г. («Записки одного молодого человека»).

   Подобное же обстоятельство задержало Кромвеля со в Америку.

   — В 1637 г. Кромвель, тогда еще безвестный, спасаясь от религиозных преследований, собирался уехать в Америку, но был удержан королевским указом, запретившим эмиграцию.

   «Город пышный ~ и гранит«.— Цитата из стихотворения Пушкина «Город пышный, город бедный».

   Стр. 356. Статьи Бакунина ~ были подписаны Жюль Элизар.

   — Об этой статье Бакунина («Реакция в Германии») Герцен с горячим одобрением упоминает в своем «Дневнике» в записях от 7 и 28 января 1843 г. (см. т. II наст, изд., стр. 256—257, 265).

   В 1843 году Бакунин, преследуемый швейцарскими реакционерами со Блюнчли…— О докладе возглавленной Блюнчли комиссии по расследованию деятельности Вейтлинга и его единомышленников Герцен упоминает в своем «Дневнике», в записи от 4 ноября 1843 г. (см. т. II наст, изд., стр. 313—314 и комментарий). Бакунин фигурирует в докладе в связи с упоминаниями о нем в письмах, найденных у Вейтлинга.

   Стр. 356—357. ...возвращение на родину стало невозможным ~ выразил благодарность императору за лишение его дворянского достоинства.

   — В 1843 г. III отделение (через министерство внутренних дел) пыталось внушить А. М. Бакунину, чтобы он вызвал сына из-за границы. Когда это не помогло, правительство через русского поверенного в делах в Швейцарии потребовало немедленного возвращения Бакунина в Россию. В том же году не выполнивший этот приказ Бакунин был предан суду сената, который постановил «лишить его чина и дворянского достоинства и сослать, в случае явки в Россию, в Сибирь в каторжную работу, а принадлежащее ему имение, буде таковое окажется, взять в секвестр». Упоминая о бакунинской «благодарности императору за лишение его дворянства», Герцен имел в виду письмо Бакунина в редакцию газеты «La Rêforme». Напечатанное в январе 1845 г., после того как в «Gazette des Tribunaux» был помещен направленный против него указ русского правительства, Бакунин писал: «…с моей стороны было бы неучтиво, милостивый государь, жаловаться теперь на указ, который, говорят, освобождает меня от дворянского звания и присуждает к ссылке в Сибирь; тем более, что из этих двух наказаний на первое я смотрю, как на настоящее благодеяние, а на второе, как на лишний повод поздравить себя с тем, что я нахожусь во Франции» (А. Корнилов. Годы странствий Михаила Бакунина, стр. 296).

   Изгнанный из Парижа после речи, произнесенной им на праздновании годовщины польской революции в 1847 году...— 29 ноября 1847 г. на празднестве в честь годовщины польского восстания 1830 г. Бакунин произнес речь, в которой призывал русских и поляков объединиться в общей вражде к деспотизму Николая I. За эту речь, по настоянию русского посольства, Бакунин был выслан из Франции.

   По пути, в Шварцвальде…— Прежде чем попасть в Прагу, Бакунин провел около двух месяцев в охваченной революцией Германии.

   …он застал там уже славянский конгресс в полном сборе.— Славянский съезд в Праге открылся 1 июня 1848 г. 12 июня работа его была прервана вспыхнувшим в Праге восстанием. Съезд был созван с целью политического самоопределения австрийских славян. В съезде наряду с элементами буржуазно-демократическими участвовали представители либерально-буржуазных кругов, шедших на соглашение с австрийской монархией.

   Стр. 359. ...франкфуртской диетой… — Созванный в 1848 г. во Франкфурте общегерманский парламент.

   Стр. 361. Нашлись немцы и, к несчастью, также и поляки ~ агентом русского правительства.— Эпизод этот гораздо подробнее изложен в «Былом и думах» (см. комментарий к главе «Немцы в эмиграции»). Слухи о том, что Бакунин — агент царского правительства, шли из кругов, связанных с русским посольством в Париже, а с другой стороны, очевидно, из среды польской аристократической эмиграции. Газета Маркса сочла нужным сигнализировать об этом (в июле 1848 г.). Бакунин и Миллер-Стрюбинг написали по этому поводу Жорж Санд. Она прислала опровержение, которое Маркс немедленно напечатал. Еще раньше Маркс по собственной инициативе перепечатал протест Бакунина, помещенный в газете «Allgemeine Oder-Zeitung».

  

ВАРИАНТЫ

  

MICHEL BAKOUNINE

<МИХАИЛ БАКУНИН>

  

   К стр. 343.

   12 св. После слов: d’autre intêrêt должно быть: Il nous rappelle les chrêtiens des premiers siècles et plus encore ces hommes ardents et infatigables de l’êpoque de la restauration des sciences, qui, comme Cardan, Bruno, Pierre de la Ramêe, allaient de pays en pays propager leurs idêes, enseigner, convaincre, lutter avec les prêjugês, exposant leur existence pour leur parole libre; ces hommes persêcutês, chassês partout, qui, après de longues fatigues et une existence de dêvouement, ne savaient où reposer leur tête, si la mort ne leur venait en aide sur un bûcher ou dans un cachot obscur.

   Русский перевод см. VII, 354: Он напоминает нам прозелитов ~ или в мрачной тюрьме.

   К стр. 350.

   8—9 св. После слов: gouvernement russe должно быть: «Et pourquoi ne pensez-vous pas,— ai-je rêpondu,— que cet argent lui venait au contraire des ennemis du gouvernement russe?» («A почему не думаете вы,— отвечал я,— что эти деньги он получил, наоборот, от врагов русского правительства?»)

   Купюры восстанавливаются по авторизованному списку статьи, обнаруженному французским исследователем М. Кадо среди бумаг Ж. Мишле в Bibliothèque Historique de la Ville de Paris. См. публикацию M. Кадо в «Revue de Littêrature Comparêe», 1960, No 136, стр. 585—595.

   Копия сделана неустановленным лицом; в некоторых местах — правка Герцена. Вместо Dessau ранее было: Anhalt-Cöthen (стр. 346, строка 38); после слова «torturê» — стр. 350 (в переводе: стр. 362, после слова «пытке») зачеркнуто: mais quant à des preuves, j’en manque <что же до доказательств--то у меня их нет>. Заключительные три строки статьи (Post scriptum) вписаны рукой самого Герцена.